Le solo : lieu de recherche privilégié ? En studio, Jacques Poulin-Denis cherche à dompter le son par sa danse.

Le chorégraphe-interprète du solo Punch Line a convié Sophie Breton, « œil extérieur » de son projet, pour une étape de recherche. La piste de travail du jour : comment faire en sorte que le corps devienne le chef d’orchestre du son ?

The show must go ONE | Jacques Poulin-Denis | Grand Poney | | © Dominique Skoltz

Au centre de leur attention, un drôle petit bidule électronique, qui tient dans le creux d’une main et que Sophie Breton s’attache au poignet avec soin, après s’être désinfecté les mains.

 

« Il a créé un censeur pour trouver le moyen d’avoir un impact physique sur le son », me souffle-t-elle, tandis que le chorégraphe-interprète, assis à l’ordinateur, finit de programmer de nouvelles variantes sonores à explorer.

Agoradanse · Jacques – Poulin – Denis – Bidule – Homme – Orchestre

Après avoir créé Running Piece en 2018, dansé sur un tapis roulant interactif hautement technologique, Jacques Poulin-Denis devait se consacrer à une pièce de groupe pour ados. Mais la pandémie a bouleversé son plan. Punch Line, en germe depuis plus deux ans dans sa tête, a alors pris la voie d’accélération sur les chemins de la création, à l’invitation de l’Agora. The show must go ONE…

Fouiller, essayer, bidouiller.

Fallait-il pour autant prendre congé de l’expérimentation technologique et sono-chorégraphique ? Multiplier les pistes d’exploration, ouvrir les possibles est l’un des aspects les plus excitants de la création pour l’artiste touche-à-tout Jacques Poulin-Denis, qui est aussi compositeur à ses heures. Un élan que le chorégraphe en lui doit parfois refréner quand il mène tout une équipe de danseurs vers une œuvre commune. Mais que l’interprète-chorégraphe en mode solo peut laisser s’exprimer.

 

Si la recherche est inhérente à toute démarche de création artistique, le solo en est peut-être le terrain privilégié. Car en fait, le bidule technologique autour duquel tournent les essais chorégraphiques de ce jour de répétition est en fait une invention née pendant la création de Running Piece. C’est avec Samuel St-Aubin, artiste-technicien en électronique, que Jacques l’a conçu et le développé. Mais il n’a pas pu l’exploiter à fond. Punch Line permet au chorégraphe d’investir un filon de recherche laissé en plan dans sa création précédente.

Faire danser le son

Après avoir muni Sophie du dispositif pour observer ses improvisations en matinée, Jacques Poulin-Denis s’exécute à son tour en après-midi. Dans ce jeu d’essais-erreurs, cette fois sous le regard avisé de Brianna Lombardo, autre œil extérieur, le « bidule » fait son œuvre. À chaque geste, une modulation sonore. Une nouvelle sensibilité se dégage. Au mouvement vif de son bras, la voix hors champ entendue s’emballe vers les aiguës. Puis elle se fait plus caverneuse, au débit ralenti, alors que le danseur s’accroupit.

 

Agoradanse · Jacques Poulin-Denis | Grand Poney – Recherche

 

Les combinaisons possibles entre la nature du geste et l’impact sonore recherché sont infinies. Faut-il porter le dispositif à la cheville ou dans le dos ? Le programme-t-on pour avoir un impact sur le débit d’une voix, les tonalités d’un son ou pour déclencher ou arrêter la musique ? Le temps de studio est toutefois limité. Et le temps de l’œuvre aussi. Créer implique donc également choisir, sacrifier des idées, élaguer, harnacher et canaliser cet élan de liberté de tous les possibles.

Texte Frédérique Doyon
Images Dominique Skoltz

 

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