De l’écran à la scène… à l’écran. Nightlight devait d’abord être une performance solo, dans un contexte d’installation vidéo, largement inspirée de la vie des boîtes de nuit que le chorégraphe George Stamos a assidûment et longtemps fréquenté.

Avec les privations de la pandémie, la pièce est devenue un duo, un conte onirique de la nuit célébrant les sens, le rythme et les relations humaines. Puis, nouveau revirement pandémique oblige, l’œuvre de chair migre complètement vers l’écran.  Discussion sur l’essence qui reste de NightLight après toutes ces tribulations.

« C’est une interaction entre le rêve, les phénomènes naturels et la nuit, dit George Stamos quelques jours après la captation vidéo du projet dans les studios de l’Agora de la danse. Pour moi, il y a un lien entre les aurores boréales et les manières de s’habiller dans les clubs de nuit.» Vrai que les deux événements sont enrobés d’une irréalité chatoyante, de magie, tout en appartenant bien à la réalité physique.

Une conversation multiple

Cette interaction entre le rêve et la nuit en a appelé une autre. « C’est la conversation entre nous deux, complète le musicien Rémy Saminadin, deux personnes de cultures différentes, deux corps, entre musique et danse aussi. Je suis musicien à la base, mais grâce à George, je suis devenu plus un performeur pour ce projet. »

 

À deux, les artistes tentent de la maintenir cette double consistance propre à la nuit tout au long de la performance. L’adresse directe au public du début glisse vers le conte animalier. La chorégraphie se disloque en une longue danse intuitive et décomplexée. Un monologue aux airs de «stand up» flirte avec la séance de psychothérapie.

George Stamos et son collaborateur Rémy Saminadin ⓒ Maxime Pelletier Huot

Le rythme au cœur de l’oeuvre

Il n’y avait pas de batterie à l’origine du projet, pas de deuxième performeur non plus. Mais la pandémie a révélé l’urgence soudaine de miser sur le vivant, la présence humaine, l’être-ensemble. Et Rémy répondait à la vision du rythme du chorégraphe.

« J’ai reconnu sa capacité d’être polyrythmique et d’avoir en même temps la force d’un groupe rock, raconte George à propos de sa rencontre avec Rémy lors d’un autre projet artistique. C’était inspirant. »

La recherche de variations rythmiques est devenue centrale dans le processus de création. « C’est facile d’aller dans un build up d’intensité avec un drum, dit Rémy. On ne voulait pas juste ça… On voulait garder le côté fugace du rêve, garder surtout la dynamique entre ces deux énergies. C’est très difficile à faire pour un musicien, de rester très low, en retenue, et de jouer avec ça, sans aller juste dans le défoulement. »

Un monologue-dialogue

Ce défi s’exprime particulièrement dans une scène de monologue de George. Alors qu’il prend le plancher en racontant sa rencontre anodine avec une femme-oracle, la batterie de Remy l’accompagne, le soutient, lui répond.

« Le monologue est plutôt un dialogue, dit ce dernier. Je joue avec les intensités pour prendre la parole, mais il a vraiment quelque chose à dire. Toute la pièce est comme ça : qui soutient qui à quel moment. » « Il y a un humour, un côté slapstick que Rémy aide à imposer », ajoute George.

Ce jeu d’échange à travers le rythme constitue l’essence de l’œuvre.

Nightlight | George Stamos | © Teagan Lance
Nightlight | George Stamos | © Teagan Lance

George Stamos a aussi travaillé avec le designer Antonio Ortega pour certains costumes.

« La section bleue de la pièce est plus texturée, tournée vers les sensations », indique le chorégraphe.

Il reste maintenant à espérer traduire, par le truchement de la vidéo, ces lents glissements d’humeur, de texture et d’énergie. Car ceux-ci ont d’abord été travaillés dans la durée et l’espace réel d’une salle de spectacle qu’on attendait remplie de spectateurs. « Tout le processus aura vraiment été une épopée sur la relation entre le numérique et le live, balancé entre les deux ! », conclut le chorégraphe-danseur.