Petit mode d’emploi pour décoder le premier spectacle de la saison, signé Priscilla Guy et Sébastien Provencher

Du vide existentiel au fourre-tout que nous offre Internet pour y répondre, ces Deux squelettes naviguent entre haute culture et culture pop pour se façonner une identité. En guise de clin d’œil à leur modus operandi, voici une courte liste de leurs inspirations hétéroclites.

Propos recueillis par Frédérique Doyon

Le poème Soir d’hiver de Nelligan

«On cherchait des ouvrages de culture populaire ou de haute culture qui résonnaient au-delà de nous deux. Ce poème, il est là depuis le début du processus de création. Dans une première version de la pièce, il y avait une scène de karaoké pour évoquer comment on se réapproprie constamment les discours. Moi, je lisais un poème que j’avais écrit… mais c’était en fait Soir d’hiver, rapporte Sébastien Provencher. À vous de découvrir comment il s’insère maintenant dans la pièce…

 

«Nelligan est un peu une icône populaire après son temps… rajoute Priscilla Guy. C’est un grand poète maudit, il exprime une vraie souffrance. Mais son côté tragique s’est aussi construit à travers l’univers médiatique (repris au cinéma, en chanson, etc.). Ce poème est tout ce qu’on retient de lui.» La référence à la saison morte, à l’ennui, au temps long, l’inscrivait aussi parfaitement dans le thème «vie et mort de deux artistes-squelettes».

 

La chanson Everybody des Backstreet Boys

«L’utilisation de la chanson vient du a capella qu’on fait sur scène, explique Priscilla. On explorait tout ce qui est proche du corps dans la culture pop, du plus (pseudo-)intello au gros divertissement hollywoodien, et tous les mots clés associés à squelette. Ça passait du corps au gore, des références sexuelles à l’Halloween».  «On a choisi beaucoup de choses pour leur effet contrastant, poursuit Sébastien. Et il y a beaucoup de musique parlent du corps. Les Backstreet Boys sont un peu l’emblème de sex symbol des années 90. Mais il y a aussi Let’s all chant Michael Zager, dont le vidéoclip est super bigarré, un melting pot kitch assumé qu’on aimait.»

 

Le tissu de citations

«Maria Callas, Céline Dion, Kundera sont évoquées dans un ping-pong très bavard. C’est un trait de la culture pop de parler, de nommer des choses déjà connues, de citer à répétition, d’étaler ses connaissances.

Un pantalon «mou»

Deux squelettes, c’est aussi l’histoire d’abord anecdotique d’un pantalon devenu emblème d’un show.

La rencontre artistique de Priscilla et Sébastien s’est scellée pendant un atelier sur l’utilisation du texte et la chorégraphie. «Quand on rentre du texte dans une pièce, il y a toujours le danger que le discours fasse disparaître le corps, l’upstage, ou le remplace, souligne Priscilla. Comment lui redonner sa charge, son pouvoir, sans nécessairement reprendre parole par les mots?» Une prémisse du spectacle naissait…

«Le premier jour, Sébastien portait un pantalon de squelette, raconte la cocréatrice. Il m’en a acheté un et on l’a porté souvent en répétitions. Finalement on a réalisé que le squelette représentait bien tout ce qu’on disait sur l’absence de profondeur, la superficialité dans la surabondance des discours et contenus qui circulent sur Internet. Le squelette répondait au caractère incomplet et au côté loufoque ludique et il est très présent aussi dans l’imaginaire populaire.»

L’humour

Comme l’humour ne court pas les scènes en danse contemporaine, on se réjouit d’en trouver à l’entrée de la saison d’hiver à l’Agora. Et on se questionne d’emblée sur la nature et les sources de cette denrée rare en création chorégraphique. À ce propos, Priscilla Guy expliquait à l’émission Danscussions du 18 janvier, sur les ondes de CHOC FM : «Il y a un principe d’interruption qui est très présent dans la pièce et qui fait partie des procédés humoristiques. On est sur une ligne très mince entre le rire et l’inconfort, entre le tragique et le comique, et la vie et la mort. C’est ce moment de bascule où ça peut tomber d’un côté ou de l’autre : dès que c’est trop, ce n’est plus drôle, ou ça devient malaisant…»

DEUX SQUELETTES est à l’affiche du 30 janvier au 2 février 2019.
Création et performance Priscilla Guy, Sébastien Provencher
Comédien Renaud Paradis
Musiciens Hugo Bégin, Renaud Gratton, Philip Hornsey, Benoit Paradis
Création sonore Michel F. Côté, composition Maurice-G. Du Berger
Texte Dany Boudreault