À peine sortis de notre série Résistances plurielles à l’Agora, voilà que nous parviennent de nouveaux échos de ces forces contraires que porte la danse face aux vents sociétaux dominants.

 

L’atelier Regards critiques sur la danse porté par Katya Montaignac au nom du Regroupement québécois de la danse en faisait récemment un sujet de discussion-conférence. Que signifie résister ? La danse peut-elle être un outil de résistance ? Ce à quoi Zab Maboungou, artiste invitée de l’atelier, répondait : « Le pouvoir de transformation qui est propre au spectacle vivant est lié au fait que la danse tend à abolir les catégories corps/esprit, émotion/intellect, etc. » Le blogue Regards critiques sur la danse cite quelques visions de la résistance, formulées par les participants présents.

Un mouvement de fond

Résistances plurielles présenté à l’Agora plus tôt en janvier allait en ce sens. Les trois œuvres de la série transformaient le rapport au public, invitaient à changer le regard qu’on porte sur les choses qu’on prend trop souvent pour acquises, à refuser le confort du conformisme, dans une démarche positive. Le mot résistance est revenu souvent dans le discours artistique depuis que l’Agora a cette série dans ses cartons de programmation. L’Usine C faisait de la résistance une trame de fond de sa programmation 2017-18, lors de son lancement l’automne dernier. Le FTA soulignait ce courant de fonds de la danse contemporaine résistant à la virtuosité, dans un article paru au printemps dernier. Le RQD en a même fait l’un des slogans de sa campagne de valorisation de la discipline — « La danse est un acte de résistance » —, récupéré lors de la mobilisation du printemps dernier pour réclamer la hausse du budget québécois dédié à la culture.

La danse est un acte de résistance

C’est donc dire que cet esprit de résistance traverse plusieurs démarches chorégraphiques actuelles, même les moins ouvertement politiques. D’autres lignes de résistance s’inscrivent d’ailleurs dans la saison de l’Agora et l’une d’elles est celle d’une « féminitude » autrement affirmée, et incarnée. Après Icône Pop de Mélanie Demers présenté dans le cadre de Résistances plurielles, deux artistes s’en réclament de manières très différentes.

 

Margie Gillis la résistante

L’icône de la danse canadienne n’est pas seulement une résistante par la longévité de son œuvre. Sa résistance s’est incarnée dans sa vie comme dans son art. Elle a pris la parole au nom des homosexuels, du sida, du changement social par l’art.

Dans Viriditas présenté encore ce weekend à l’Agora, elle appelle à une réconciliation avec l’environnement, cette nature de plus en plus malmenée par les humains. Un fil rouge de son répertoire. Et cet appel passe par l’incarnation de trois figures féminines fortes, libres, authentiques, en autant de solos (interprétés par Troy Ogilvy, Paola Styron et Margie Gillis), inspirés notamment des personnages de Sainte Brigide d’Irlande, Hildegard de Bingen et de la Vierge Marie.

 

Dana Gingras en femme possédée

La femme et son pouvoir de métamorphose, de transformation, de possession sont au cœur d’anOther, œuvre multidisciplinaire cocréée par la chorégraphe Dana Gingras, la vidéaste Sonya Stefan et le duo de musique synth-wave Group A, basé à Berlin. Les quatre artistes seront en scène du 4 au 14 avril pour en finir avec l’image édulcorée et fortement stéréotypée de la femme que nous sert la publicité. La pièce, mi-concert, mi-installation visuelle et chorégraphique, poursuit la démarche plus expérimentale de Dana Gingras sur le non-dit et la part cachée du corps féminin, entamée avec Somewhere Between Maybe.

 

Le féminin est à redéfinir, clament les artistes. Une lame de fond qui contribue à l’ampleur actuelle que connait le mouvement #metoo.

Frédérique Doyon
Commissaire invitée | Agora de la danse