Depuis plus de deux décennies, le milieu de l’art vivant a créé une véritable habitude de la « discussion après-spectacle », porté par la promesse de développer ses publics. La formule peut sembler usée, mais l’alchimie de la rencontre entre le citoyen et l’artiste continue d’opérer presque à tout coup.

 

Je me souviendrai toujours de ma première question posée dans ce cadre après une représentation de Prélude de l’après-midi d’un faune et du Sacre du printemps de Marie Chouinard au début des années 1990, et du mélange de nervosité et d’extase qui m’habitait en interrogeant l’œuvre et sa créatrice.

 

Ce moment de partage, l’Agora fait le pari, depuis l’implantation au WILDER, de le décliner autrement. Et doublement.

 

Un lunch en art : Midi-coulisses

Alors que les questions des spectateurs portent souvent sur les intentions de l’artiste et sur les étapes de son processus, pourquoi ne pas convier le public avant le spectacle ? C’est l’objectif des Midis-coulisses à l’Agora. Une semaine avant la première, on profite de l’heure du lunch (durée de 30-35 minutes) pour observer l’équipe de création à l’œuvre, et ensuite engager la discussion avec elle. Et on découvre du même coup tout le sens du mot — et l’importance de la — « résidence » artistique.

 

L’idée des Midi-coulisses m’est venue pendant mes premières semaines comme commissaire à l’Agora, alors que je découvrais le privilège de m’immiscer discrètement dans le studio quelques jours avant la première. Y voir les artistes reprendre le même enchainement de gestes, avec des nuances chorégraphiques, musicales ou d’éclairages, me fascinait. Surprendre leurs hésitations, leurs débats avec les collaborateurs et leurs résolutions de problème lève le voile sur les des défis — et le temps requis — de la création.

 © Caroline Rousseau

Elle respire encore | Jérémie Niel – Pétrus © Caroline Rousseau

Les discours croisés de Parole d’artistes

Depuis 2017, La 2e Porte à Gauche nous a proposé de renouveler la fameuse discussion après-spectacle, en marge de sa résidence de longue durée à l’Agora. Sous l’impulsion de Katya Montaignac, l’animation de Parole d’artistes est ainsi bien souvent sortie du cadre de la danse, en invitant des gens issus d’autres disciplines à mener les échanges. Le tout dans l’optique de favoriser le croisement des idées et des discours, et parfois même des générations.

 

Un réalisateur est venu questionner les cocréateurs de Major Motion Picture (Out Innerspace Dance Theatre) dont l’œuvre s’enracinait dans des références cinématographiques. En retour, lorsque l’artiste visuelle Sylvie Cotton s’est approprié la « scène » de l’Espace bleu de l’Agora, c’est à un jeune danseur qu’on a confié l’animation. L’angle différent des questions a permis de renouveler le dialogue.

 

Cette saison, le premier Parole d’artistes, le 15 février prochain, mettra en relation deux pionnières de la danse canadienne et québécoise – chacune dans son champ chorégraphique. Zab Maboungou, la chorégraphe-philosophe qui a fait connaitre les danses africaines aux publics québécois, s’entretiendra avec Margie Gillis, grande icône de la danse moderne canadienne, à propos de sa vision du féminin et de sa collaboration avec deux autres danseuses/chorégraphes dans le spectacle Viriditas, Troy Ogilvy et Paula Styron.

 

Pour la suite, metteur en scène, artiste visuel, auteur seront conviés à dynamiser les échanges avec Jérémie Niel, Dana Gingras, Jacques Poulin-Denis et Thomas Lebrun.

Frédérique Doyon
Commissaire invitée | Agora de la danse